Saisie du juge compétent pour le recouvrement de créances
Le montant d’une créance n’écrit pas toujours la même histoire. En matière de recouvrement, le choix du juge ne relève pas du hasard ou d’une simple formalité administrative. Il se joue, ligne à ligne, selon la nature de la somme due et la qualité des parties. Un contrat civil ? Le tribunal judiciaire s’impose, sauf exception prévue par la loi. Face à une créance commerciale, le tribunal de commerce prend la main, y compris quand un litige oppose commerçant et non-commerçant, dans certains cas précis.
Le principe du domicile du défendeur guide généralement la carte des juridictions, mais le droit n’aime pas les règles sans dérogations. Dans certaines affaires contractuelles ou si des sûretés sont en jeu, d’autres tribunaux peuvent être compétents. Se tromper de juridiction, c’est risquer le rejet pur et simple de la demande. Le tribunal ne fait pas de cadeau à l’étourderie.
Plan de l'article
Comprendre la compétence des juridictions en matière de recouvrement de créances
Avant de pousser la porte du tribunal, le créancier doit être passé par la case négociation. Le recouvrement judiciaire n’intervient qu’après l’échec des échanges amiables. Dès que le débiteur fait la sourde oreille, la créance quitte le terrain de la discussion pour s’installer dans le camp des impayés. Le moment est venu de s’interroger sur la voie judiciaire à emprunter.
Le choix du juge s’articule autour de la nature de la dette. Pour une créance civile, un prêt entre particuliers, une facture oubliée, une pension alimentaire non versée, le tribunal judiciaire est compétent. Entre sociétés ou commerçants, le tribunal de commerce devient l’interlocuteur. Le montant de la créance ne change rien à cette répartition, mais il influence parfois la procédure : injonction de payer pour aller vite, référé-provision en cas d’urgence, assignation au fond si le débat s’annonce nourri.
Règle d’or : la créance doit être certaine, liquide, exigible et non prescrite. Son montant doit être clair, sa légitimité incontestée, et l’échéance déjà atteinte. Attention au piège de la prescription : deux ans pour les particuliers, cinq ans pour les professionnels. Au-delà, la créance s’évapore du champ judiciaire.
Voici les étapes qui précèdent toute démarche en justice :
- Le recouvrement amiable ouvre la marche : relances, mises en demeure, tentatives de négociation.
 - Le recours au juge intervient uniquement si le dialogue n’aboutit à rien.
 - La qualification des parties, la nature de la dette, le délai de prescription : ces trois paramètres dictent l’orientation vers le bon tribunal.
 
La procédure judiciaire ne tolère aucune approximation. Un simple faux pas dans le choix de la juridiction, et la demande se heurte à une fin de non-recevoir, laissant le créancier face à l’inertie du temps ou à l’épuisement de ses recours.
Quels juges saisir selon la nature de la créance et le profil des parties ?
La question du recouvrement de créances impose de choisir avec discernement la juridiction compétente. Tout commence par l’analyse de la relation sous-jacente et du statut des protagonistes : sommes-nous face à un litige civil ou commercial ? En présence de personnes physiques ou morales ?
Si la créance prend racine entre particuliers, en dehors de toute activité professionnelle, le tribunal judiciaire s’impose. Qu’il s’agisse d’un prêt, d’une facture oubliée ou d’une pension alimentaire, c’est le juge civil qui tranche. Lorsque le litige porte sur un bail d’habitation ou relève de la protection du consommateur, une chambre spécialisée, le juge des contentieux de la protection, prend le relais au sein du tribunal judiciaire.
Dès que la dette oppose commerçants ou sociétés, le tribunal de commerce devient le passage obligé. Facture impayée après une prestation de service, contrat commercial rompu, chèque resté sans provision : l’affaire se règle devant la juridiction consulaire.
La procédure varie en fonction de la nature du litige. Pour une dette incontestée, l’injonction de payer simplifie la démarche et évite l’audience : une requête déposée au greffe du tribunal du domicile du débiteur suffit. Si le différend est réel ou si la somme en jeu est élevée, l’assignation au fond s’avère nécessaire ; le juge tranchera après avoir entendu les deux parties. Pour faire face à une urgence ou obtenir rapidement une somme non sérieusement contestée, le référé-provision offre une issue rapide, sous réserve d’un dossier solide.
Pour clarifier les compétences, voici un aperçu :
- Tribunal judiciaire : toutes les créances civiles, entre personnes physiques hors activité commerciale.
 - Tribunal de commerce : litiges commerciaux, entreprises, commerçants.
 - Juge des contentieux de la protection : affaires de baux, crédits à la consommation, situations de surendettement.
 
La durée de prescription change selon les acteurs : deux ans pour une personne physique, cinq ans pour une société. Chaque dossier doit être examiné à la loupe : contrat, facture ou chèque à l’appui. Un choix judicieux de la procédure, et la demande pourra aboutir.
Les étapes clés pour engager une procédure devant la juridiction compétente
Le créancier n’attaque pas bille en tête devant le tribunal. Avant d’en arriver là, il doit avoir tenté le recouvrement amiable. Cela commence souvent par une lettre de relance, puis se poursuit, si besoin, par une mise en demeure, envoyée en recommandé ou via un commissaire de justice. Ce courrier marque une étape décisive : il atteste que le créancier réclame formellement son dû et met le débiteur face à ses responsabilités.
Si la négociation tourne court, il faut alors franchir le cap de la procédure judiciaire. Première vérification : la dette doit être certaine, liquide, exigible et non prescrite. Ensuite, le créancier choisit la procédure la plus adaptée à son dossier :
- Injonction de payer : démarche accélérée, sans audience, réservée aux créances incontestées. Il suffit de déposer la requête au greffe du tribunal compétent, souvent celui du domicile du débiteur.
 - Référé-provision : permet d’obtenir rapidement une avance sur une somme qui ne souffre aucune contestation sérieuse, après un passage devant le juge.
 - Assignation au fond : la voie classique en cas de contestation, où le juge tranche après avoir entendu les arguments des deux camps.
 
Pour les petites créances (jusqu’à 5 000 €), la procédure simplifiée de recouvrement par commissaire de justice offre une solution rapide et sans audience. Dès que le titre exécutoire est délivré, le commissaire de justice peut passer à la saisie des biens du débiteur. À ce stade, les frais de recouvrement judiciaire et les pénalités de retard s’ajoutent à la note, sous l’œil attentif du juge.
Chaque étape demande une connaissance rigoureuse des règles de procédure et un respect scrupuleux des délais de prescription, qui varient selon le profil du débiteur. Avocats, commissaires de justice ou sociétés spécialisées peuvent intervenir selon la complexité de l’affaire, la nature du conflit et le montant réclamé.
Le recouvrement judiciaire n’est jamais une simple formalité. Entre la stratégie, la vigilance et la maîtrise des délais, il trace une ligne de crête où chaque faux pas se paie cher. L’efficacité d’une action en justice tient à cette lucidité : savoir quand agir, comment saisir le bon juge, et ne jamais laisser la créance s’engloutir dans les limbes du droit.
            